CHRONIQUE. Alors que les entreprises peinent à recruter, il est temps pour elles de se débarrasser des préjugés qui les amènent à parfois écarter trop rapidement un candidat ou une candidate de 50 ans et plus, estime notre chroniqueuse.
Dans leur dernier indice de la pénurie de main-d’œuvre en Suisse, l’institut sociologique de l’Université de Zurich et le groupe Adecco Suisse ont fait un constat sans appel: des secteurs entiers ont du mal à recruter et cette situation s’est encore aggravée par rapport à 2020. Ingénierie, informatique, technique, secteur de la santé et fiduciaire sont les professions les plus touchées.
De l’autre côté de la lorgnette, il y a ces travailleurs de plus de 50 ans, en pleine force de l’âge et riches d’expérience, qui regardent se dérouler un match auquel on ne les laisse plus jouer. Ces places vacantes, ils ne demandent qu’à les occuper, quitte à se former pour correspondre aux dernières exigences requises. Mais les stéréotypes qui leur collent à la peau les empêchent d’atteindre la fameuse étape de la convocation à l’entretien d’embauche. «Résistants au changement, inaptes aux nouvelles technologies, absents en raison d’une santé déclinante, incapables d’apprendre ou d’innover… ». Le portrait qu’on en dresse est peu glorieux.
Mais à l’heure où l’on vit jusqu’à 83 ans en moyenne, ces clichés ne sont-ils pas un peu dépassés? Sont-ils nombreux les directeurs du SMI qui ont moins de 50 ans? Sont-ils aussi has been que cela?
Un tiers de la population active
Si les chiffres vous parlent mieux, sortons nos calculettes. Les 50 ans et plus représentent, en Suisse, un tiers de la population active, soit près de 1,7 million de travailleurs et travailleuses! Cette population connaît un plus faible taux de chômage que les 25-49 ans. En revanche, quand on s’intéresse au chômage de longue durée, près de la moitié des 50 ans et plus recherchent un travail depuis plus d’une année, contre moins d’un tiers chez les 25-49 ans. En voulant esquisser une explication à ces données, on retombe sur la question des préjugés. Les 50 ans et plus sont de très bons travailleurs que les entreprises veulent garder, d’où leur faible représentation parmi les chômeurs. Mais une fois au chômage, leurs dossiers semblent boudés par les recruteurs.
Interpellés par cette situation paradoxale, nous avons demandé à un conseiller en personnel pourquoi cette offre et cette demande ne parviennent pas à se rencontrer. «En effet, la situation est aussi inexplicable que regrettable. Lorsque nous avons un lien de confiance suffisamment solide avec un client, nous pouvons lui proposer des dossiers de cinquantenaires. Mais sinon, c’est vrai que c’est très difficile. Les a priori sont tenaces».
Loyauté, réseaux, expérience, flexibilité
Après des années à côtoyer cette population chaque jour, les perceptions des collaboratrices et collaborateurs de la Fondation Qualife, qui s’emploient à accompagner ces personnes, sont loin de ces préjugés négatifs. Les personnes de plus de 50 ans sont des personnes loyales, qui bénéficient de très bons réseaux, qui ont beaucoup d’expérience, qui transmettent des connaissances, qui font preuve de maturité, qui sont flexibles et qui s’investissent pleinement.
En conclusion, au moment de faire face à une pénurie de talents qui coûte à notre économie, avant de considérer que les plus de 50 ans ne sont plus suffisamment à la page pour apporter une partie de la solution, un temps de réflexion s’impose. Nous invitons les RH et autres fonctions qui recrutent à questionner leurs préjugés au sujet des 50 ans et plus. Alors, à qui une certaine modernité fait-elle le plus défaut?