CHRONIQUE. La transformation énergétique impactera positivement le marché du travail en Suisse, entend-on. Mais les nouvelles formations et les nouveaux emplois dans ce domaine se font attendre, relève notre chroniqueuse
«La nécessaire transition écologique va permettre la création de centaines de milliers d’emplois.» Voilà une affirmation que j’ai souvent lue et qui est assez compréhensible vu l’ampleur du défi auquel on doit faire face. Adopter de nouvelles manières de consommer, de se déplacer, de s’alimenter, de se chauffer, de se divertir, etc. ne peut que s’accompagner de besoins en nouvelles compétences: réparation des biens, artisanat local, agriculture bio, renouvellement des systèmes de chauffage, isolation des bâtiments, développement de la mobilité décarbonée…
L’OFEN (Office fédéral de l’énergie) a publié un rapport en 2023 montrant que la transformation énergétique impactera positivement le marché du travail en Suisse. Les experts parlent de centaines de milliers de personnes à former pour atteindre les objectifs que s’est fixés la Suisse, rien qu’en ce qui concerne le secteur de l’énergie!
Recrutements dans les transports
Mais alors où se cachent ces nouveaux emplois, ces nouvelles formations? Ma perplexité et moi sommes allées interroger un certain nombre d’acteurs pour tenter d’éclaircir ce qui pour moi reste une énigme. Rien. Personne n’a de réponse. Même la faîtière genevoise de l’économie durable qui regroupe plus de 800 membres dont 450 entreprises et organisations n’a su éclairer ma lanterne. Non pas par manque de compétences, ne vous méprenez pas sur mes propos. Mais juste parce qu’il semble qu’il n’y ait (encore?) rien d’ampleur à montrer.
J’exagère car il y a un exemple récent tout à fait concret: pour répondre aux engagements du plan climat adopté par le Conseil d’Etat genevois, les transports publics genevois (TPG) doivent développer leur offre et ainsi recruter et former 200 conducteur.trice.s rien qu’en 2024. Pour relever ce défi, les TPG ont revu leurs critères: désormais, il est possible de postuler sans CFC, dès deux ans d’expérience professionnelle et même au-delà de 50 ans.
Voilà un cas explicite d’emplois qui sont créés pour répondre aux enjeux de la transition écologique. Et on s’en réjouit d’autant plus qu’ils sont ouverts à des personnes pour qui l’accès à l’emploi est plus difficile, comme les personnes non diplômées ou les personnes de plus de 50 ans. Une merveilleuse opportunité pour l’emploi… et la transition!
L’œuf ou la poule?
Des exemples de ce type, il devrait y en avoir des dizaines, me semble-t-il, dans différents secteurs (de l’industrie de la mode à celle du bâtiment, en passant par l’alimentation et l’énergie). Se pose alors naturellement la question de l’œuf et de la poule, de l’offre et de la demande. Est-ce qu’on ne forme plus de gantier faute de demande ou achète-t-on des gants made in Bengladesh faute d’offre?
De nature optimiste, j’aime à penser que la demande progresse au fil des prises de conscience de l’impact de nos actions sur l’état de notre planète. Et que c’est donc l’offre qu’il s’agit de développer en priorité. Ne dit-on d’ailleurs pas que l’offre crée la demande?
J’espère ainsi qu’en toute discrétion des milliers de (nouveaux) métiers et formations sont en réalité en train de voir le jour, afin qu’un nouveau mode de vie soit possible. Et dans ce processus, chères entreprises et autorités, comptez sur les acteurs de l’insertion professionnelle qui travaillent tous les jours avec des personnes prêtes à se lancer dans l’aventure de la transition et à mettre tout leur savoir-être au profit d’un nouveau savoir-faire.