CHRONIQUE. Si de nombreux contrats d’apprentissage ont été signés l’an passé, beaucoup ont aussi été rompus, alerte notre chroniqueuse. Il existe pourtant des solutions
Les médias ont fait la part belle à ce chiffre historique: 10% d’augmentation de signatures de contrats d’apprentissage à Genève en 2023 par rapport à l’année précédente. Au total, 2570 contrats d’AFP ou de CFC signés l’été dernier. Il s’agit du chiffre le plus haut depuis vingt ans! Alors quand on accompagne depuis dix ans des jeunes de 18 à 25 ans vers l’apprentissage dual, on se réjouit d’autant plus d’une telle nouvelle.
Les raisons sont multiples et connues: une politique étatique à la fois incitative et contraignante, un changement progressif de l’image qui est faite de l’apprentissage, un principe de réalité pour les entreprises qui doivent assurer leur relève. Etat, entreprises et jeunes avancent d’un même mouvement, lentement mais sûrement.
Le choix des chiffres
Alors qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai découvert, quelques semaines après ce réjouissant ramdam médiatique, que le nombre total d’apprentis à Genève en formation duale a… diminué en 2023! 5313 personnes contre 5377 personnes en 2022.
De quoi mériter une petite plongée dans les chiffres. Cette surprenante diminution a plusieurs origines dont l’une pèse davantage: signer un contrat n’assure pas d’être encore apprenti ou apprentie trois, douze ou dix-huit mois plus tard.
En 2023, le taux de rupture de contrat d’apprentissage a en effet grimpé de 7,5% à 10,3% selon l’OFPC (Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue). D’après la Confédération, ce chiffre est, à Genève, de 38%. Là encore, tout est une question de choix des chiffres.
Donc on a plus signé, mais on a également davantage résilié. Augmenter les places disponibles et le nombre de candidats à l’apprentissage ne peut suffire. Il faut en plus réduire le taux de rupture, qui coûte cher: au jeune et à l’entreprise formatrice, mais plus généralement à l’économie, tant cela conforte l’idée selon laquelle former est difficile et risqué.
Stages et accompagnement
Des solutions, heureusement, existent mais cela implique une certaine mobilisation qui se joue en deux temps. Avant l’apprentissage, il faut offrir la possibilité aux jeunes de s’assurer de leur orientation: stages en entreprise et lieux d’expérimentation des métiers sont essentiels. Pendant la formation, il faut accompagner les jeunes qui font leurs premiers pas dans le monde de l’entreprise mais dont on attend qu’ils en maîtrisent tous les codes (éviter les absences, arriver à l’heure, avoir une communication transparente, être proactif, etc.).
Avec un accompagnement comme celui proposé par la Fondation Qualife, le taux de rupture d’apprentissage diminue par deux! Un suivi qui se fait en collaboration avec l’apprenti et son entreprise formatrice permet en effet de confirmer que le choix de formation est solide, de désamorcer les éventuels conflits à temps, d’assurer le soutien scolaire et de décharger l’entreprise de tout ce qui ne concerne pas directement le travail (difficultés financières par exemple). C’est un trio gagnant pour tout le monde. Mais cela implique, au moment du recrutement, que l’entreprise valorise cet accompagnement, plutôt qu’elle y voit une preuve de problèmes sous-jacents. Quand un jeune vient spontanément solliciter de l’aide auprès d’une structure spécialisée dans l’accompagnement des apprentis, c’est surtout parce qu’il veut faire les choses mieux qu’en restant seul. Alors, gage de sérénité ou d’ennuis à venir?