CHRONIQUE. Un mauvais bulletin à l’école peut pénaliser longtemps un jeune professionnel. Il s’agit alors de reconstruire le regard que cette personne porte sur elle-même pour surmonter ses blocages, développe notre chroniqueuse
Je me souviens de ma première note insuffisante. J’étais à l’école primaire et me suis mise à pleurer. Je n’avais pas juste mal compris une leçon, j’étais nulle. Du moins, c’est ce que j’ai ressenti. Cela ne m’a heureusement pas empêchée de vivre une scolarité épanouie.
Ma réalité n’est pas celle de tout le monde. Certaines personnes portent comme un fardeau d’anciennes difficultés scolaires. Des mauvaises notes accumulées au cycle d’orientation pénalisent parfois encore dix ans plus tard, par exemple lors d’une recherche d’apprentissage.
Ce petit chiffre, tracé au stylo en haut d’une évaluation, peut ainsi créer des pertes de confiance profondes. Quelques millilitres d’encre peuvent transformer durablement deux regards: celui d’une société sur une personne et surtout celui que cette personne porte sur elle-même. C’est l’effet papillon.
Le regard de l’employeur
Le premier regard peut être celui d’un employeur. Un bulletin de notes peu reluisant peut mettre son propriétaire dans une case et donc pénaliser sur le long terme son entrée sur le marché de l’emploi. Je pense à Philippe, 24 ans, qui, en mettant en avant sa fiabilité dans un entretien d’embauche, se voit répondre que son bulletin de 11e (15 ans) montre pourtant 40 heures d’absence.
Le second regard est le plus destructeur. Une mauvaise note est souvent vécue comme la preuve incontestable d’une incapacité. Les enfants qui les accumulent sortent de l’école traumatisé·e·s. Ils et elles se dénigrent constamment, convaincu·e·s de ne rien savoir, donc de ne rien valoir. Leur estime de soi semble avoir été absorbée par les chiffres reportés sur leurs bulletins.
Les difficultés ne se conjuguent pas toujours à l’imparfait une fois les portes du cycle d’orientation (CO) franchies. Pour obtenir une place d’apprentissage, il faut souvent passer des tests d’aptitude qui sont formatés sur les exigences scolaires du CO. Que ces compétences soient ensuite utilisées ou non durant l’apprentissage importe peu, on exige à tout un chacun de les maîtriser. Le blocage est réactivé: celles et ceux qui étaient en échec scolaire ne tentent même pas de les passer. Ils et elles savent que ça se soldera par une nouvelle déception.
Des compétences bien présentes
Et pourtant…
Lorsqu’on s’accorde le temps de reconstruire ce regard et de créer un nouveau lien aux connaissances, l’intérêt revient. Avec lui, ce sont une multitude de possibilités qui se rouvrent. On se remet à y croire et donc on se mobilise pour acquérir les compétences manquantes. Une évaluation n’est plus synonyme de ce qui n’est pas su, mais de ce qui a déjà été appris.
Lorsque des formateurs et des formatrices prennent le temps, comme au sein du pôle formation de la Fondation Qualife – qui accompagne notamment des jeunes en recherche d’apprentissage et durant leur formation –, de faire prendre conscience des compétences d’un·e participant·e et d’ouvrir à d’autres manières d’apprendre, les résultats sont là. Il s’agit de surpasser les mauvais souvenirs et les blocages, de souligner les capacités propres à chacun·e et d’ainsi redonner vie à une confiance en soi longtemps fragilisée. Tous les jours, ils et elles voient des jeunes dont le niveau scolaire ne cesse de s’améliorer, offrant un joli pied de nez aux bulletins de notes que l’on garde cachés.
C’est ma conclusion: avec du temps, de la bienveillance et une approche différente, la chenille devient toujours papillon.