CHRONIQUE. Certains contenus en Suisse se font encore aujourd’hui le relais d’une image stéréotypée et fausse des travailleuses et travailleurs de plus de 50 ans, déplore notre chroniqueuse.
J’ai entre les mains un article d’Objectif emploi, le journal du Service public de l’emploi du canton du Jura. Cet article présente le programme Supported Employment, porté par le Secrétariat d’Etat à l’Economie (Seco) à l’échelle nationale. Ce programme est destiné à aider les personnes de plus de 50 ans à retrouver un emploi, une fois arrivées en fin de droits des indemnités de chômage. La cause est importante, la mesure pertinente, l’article bien rédigé.
Pourtant, je m’étrangle: la photo d’illustration montre un homme, cheveux et barbe totalement blancs, ridés du coin des yeux aux oreilles, avec en arrière fond une tapisserie rayée années 1970 et un réveil dont on a arrêté la production en 1980. Je lui donne 75 ans, peut-être 80. En total décalage avec le contenu de l’article, mais apparemment pas avec l’imaginaire collectif. Et cela est inquiétant.
Récemment, je participais à l’événement Job Rencontres. Du speed recruiting organisé par 11 structures de l’insertion professionnelle sous l’impulsion de la Fondation Qualife, destiné justement aux 50 ans et plus en recherche d’emploi. J’y ai ainsi rencontré plus d’une centaine de travailleurs «seniors» venus rencontrer une quarantaine d’entreprises. Personne ne ressemblait de près ou de loin au grand-père de l’article. Je n’ai vu que des personnes modernes, dynamiques, «stylées» comme diraient les plus jeunes.
Un paradoxe
Prenez quelques minutes et regardez les cinquantenaires autour de vous, dans votre équipe comme dans votre entourage: que voyez-vous? Des mamies qui tressent leurs cheveux blancs, tricotent des chaussettes et mijotent des confitures pour leurs petits-enfants? Ou des collègues actifs qui courent des semi-marathons, sortent boire un verre les jeudis soir, et gèrent activement leur vie, celle de leurs enfants jeunes adultes et celle de leurs parents qui, eux, sont dans la dernière étape de leur vie?
Vous verrez alors apparaître tout le paradoxe de notre marché de l’emploi. Tant que les plus de 50 ans sont en emploi, ils sont vus comme des personnes à la page parfaitement intégrées dans l’entreprise. Une fois leur emploi perdu, quelle que soit la raison du licenciement par ailleurs, notre inconscient collectif les bascule instantanément dans la case des «vieux».
Plus de chômeurs longue durée
Et d’ailleurs, les chiffres le reflètent très bien: à Genève par exemple, seulement 1615 personnes âgées de 50 à 59 ans étaient au chômage au 31 décembre 2023, contre 2923 personnes de 30 à 39 ans! En revanche, les plus de 50 ans sont nettement surreprésentés parmi les chômeurs de longue durée (plus de douze mois).
S’il ne viendrait à l’esprit de personne de comparer un apprenti de 20 ans avec un collaborateur de 50 ans, il serait de bon ton de distinguer avec la même acuité un demandeur d’emploi de 50 ans d’un grand-père de 80 ans. Chères robustes représentations sociales, à bon entendeur!