OPINION. De nombreuses entreprises utilisent des tests d’aptitude pour sélectionner des apprentis. Des outils éliminatoires pour certains alors qu’ils ne disent de loin pas tout des qualités des jeunes candidats, défend notre chroniqueuse.
La pénurie de talents met en lumière une nécessité pour les entreprises: celle de former sa relève. A défaut de trouver les compétences requises sur le marché, elles vont devoir les générer. Les écoles supérieures pourvoient à un certain nombre de savoirs et savoir-faire, mais de loin pas tous. En ce sens, l’apprentissage en dual est une formule très intéressante pour une entreprise: elle lui permet de former «à son moule» ses futur·e·s collaborateurs et collaboratrices et d’assurer sa pérennité.
Avec la conjoncture actuelle, il devient compliqué pour une entreprise de se plaindre du manque de relève si elle n’y contribue pas elle-même. Pour rappel, la formation pour devenir formateur ou formatrice dure 40 heures, dont 32 peuvent se faire en distanciel. Rien d’insurmontable.
Pas d’intervention humaine
Vient alors la légitime question de la sélection de ses futur·e·s apprenti·e·s. Sur quelle base les recruter? Grand nombre d’entreprises formatrices sont friandes des tests d’aptitude (test EVA, multichecks, etc.). Cela questionne la confiance que les entreprises ont en l’école, notamment lorsque le ou la candidat·e vient d’en quitter les bancs. Les bulletins scolaires de fin d’année ne sont-ils pas déjà le reflet du niveau scolaire des jeunes?
Si une explication tient dans le fait que ces tests sont davantage destinés à celles et ceux qui ont quitté l’école depuis plusieurs années, une autre question mérite d’être posée: que peut-on déduire des capacités d’apprentissage et de réflexion de quelqu’un qui ne sait plus, sans calculatrice, si les égalités suivantes sont justes ou fausses: 8x³ × 2x² =16x⁶, √46 = 4√3, ou a oublié la formule du calcul du volume d’un cylindre?
Ces tests sont corrigés par un ordinateur. La réponse est correcte ou elle ne l’est pas. Ils sont ainsi dépourvus de l’intervention humaine qui pourrait différencier une faute de calcul d’un souci de raisonnement.
Un indicateur parmi d’autres
Depuis 5 ans, le pôle formation de la Fondation Qualife accompagne des jeunes entre 18 et 25 ans, sans formation, vers l’apprentissage. La préparation aux tests d’entrée est un incontournable. Avec une pédagogie adaptée et une réappropriation des matières (les maths ne sont pas la propriété de l’école: il y a en dans sa cuisine, dans ses achats, sur sa fiche de paie), la remise à niveau est possible même après un long décrochage et une scolarité difficile.
Mais cela ne nous empêche pas de clamer haut et fort que les résultats à ces tests ne doivent être qu’un élément de sélection parmi d’autres. Autant ils donnent une information intéressante à la (future) entreprise formatrice, autant cette information doit peser dans une juste proportion. Engager un·e apprenti·e, c’est une rencontre, un pari, une histoire commune à inventer. Les plus belles histoires ne s’écrivent pas autour d’un graphique extrait d’un ordinateur. Elles s’écrivent autour d’humains qui apprennent à se connaître, se font confiance et progressent ensemble.
Et pour clore cette chronique, je vous soulage enfin de ce qui vous travaille depuis le quatrième paragraphe: la réponse est non, ces égalités sont fausses…