CHRONIQUE. Comment s’investir aujourd’hui dans un cursus, alors que le futur s’annonce sombre? Notre chroniqueuse s’adresse aux jeunes
Commencer un apprentissage, c’est renoncer à un gain immédiat (le salaire d’un travail) pour s’assurer, plus tard, un gain plus grand (le salaire d’une personne diplômée, le risque notablement réduit de devoir recourir à l’aide sociale ou de connaître une longue période de chômage). Pour un individu comme pour la société, (se) former, c’est investir dans l’avenir.
La condition minimale pour se lancer n’est-elle donc pas d’y croire, à cet avenir?
Avide de grandes réflexions philosophiques et sociologiques sur cette question, j’ai tapé l’affirmation suivante sur un moteur de recherche dont la première lettre est de couleur bleue (j’ai eu cette question au Trivial Pursuit et j’ai toujours le goût amer du fromage manqué): «Investir dans son futur implique d’y croire.»
Grâce aux résultats obtenus, j’ai pu devenir une experte du placement immobilier. Mais je n’en suis pas pour autant un brin plus éclairée sur la question qui me travaille depuis des mois.
Comment peut-on transmettre à des jeunes adultes la conviction de l’importance de se former, de galérer financièrement pendant deux, trois ou quatre ans en travaillant à temps plein et en révisant les week-ends, au nom de ce sacro-saint avenir qu’il s’agit d’assurer?
Crise climatique et IA
Cet avenir qu’on leur explique condamné par une crise climatique d’une gravité inouïe, modelé par des adultes incapables de changer suffisamment leurs comportements pour y faire face, constellé de guerres et de crises diverses et, cerise sur le gâteau, dans lequel leur emploi sera remplacé par l’IA. Mais oui, leur dit-on pourtant, formez-vous, jeunesse! Pensez à l’avenir!
Ou alors, au contraire, n’y pensez pas trop. Car tout ce que vous lisez sur les réseaux est d’un découragement sans nom. On attend de vous que vous rentriez dans un moule – celui de la formation, celui de l’emploi, celui de la société – qu’on ne réforme pas, qui a failli et qui ne vous assure pas ce «bel avenir» auquel vous avez besoin de croire pour vous lancer et aller au bout d’une formation.
Ne pas vous former, ce serait pire
Je vous demande pardon. Parce que malgré toutes vos réflexions pertinentes à ce sujet et votre santé mentale qui en paie le prix, vous n’avez finalement pas d’autre choix. Les règles du jeu sont telles qu’elles sont. Ne pas vous former, ce serait pire. Cette formation, qui ne vous fait pas rêver, au nom d’un avenir qui ne fait guère mieux, elle reste votre meilleure carte à jouer pour assurer votre place dans un système que vous ne pourrez réformer que de l’intérieur.
Et lorsque à votre tour vous serez un·e professionnel·le aguerri·e, retrouvez la rage de vos 20 ans et transformez ce qui doit l’être pour que les générations futures goûtent, à nouveau, au pouvoir d’un avenir que l’on se réjouit d’atteindre.